Notre rôle de consultant ne se limite pas au poste que l’on occupe chez notre client mais s’étend aussi à une mission d’accompagnement. Nous verrons dans cet article comment nous mettre en bonne posture pour mener à bien cette mission, au travers de deux maîtres mots : l’écoute et l’empathie.
Pour bien démarrer une mission, il faut d’abord bien terminer la précédente.
En tant que consultant, il nous arrive d’enchaîner sans interruption deux missions. La bascule peut-être assez rapide. Or, quand on bouscule trop vite notre cerveau, ce dernier a tendance à chercher des repères.
Le risque est alors de croire que nous retrouvons dans cette nouvelle mission le contexte de la précédente. Chaque mission est unique et son environnement l’est tout autant. Il est alors indispensable de libérer notre esprit de la mission précédente pour pouvoir se mettre à l’écoute de la nouvelle.
Pour imager un peu ces propos, nous ne pouvons remplir une page que lorsqu’elle est vierge.
Pour ce faire, il faut apporter une vraie conclusion à notre dernière mission. Rien de mieux pour cela qu’un bilan. Papier et crayon à la main c’est le moment de noter tous les enseignements que nous avons tirés : les problèmes rencontrés et les approches adoptées pour les dépasser, ce qui a marché et pas marché ; le reste est affaire classée.
L’idée étant de « boucler » le dossier et ne pas chercher à le poursuivre dans une nouvelle mission. Cela permettra ainsi de se débarrasser de tout le superflu, ou de ce qui est propre à la précédente mission pour ne garder que les enseignements, l’essentiel, et reblanchir cette page prête à être noircie à nouveau.
Lorsque nous arrivons en mission, nous avons tendance à vouloir prouver au client dès le début qu’il a fait un bon investissement, lui montrer à quel point nous sommes experts, nous positionner comme des héros !
C’est ainsi que nous risquons de tomber dans un piège qui ne servira ni votre client ni vous : celui de L’égo
L’égo du consultant n’a pas sa place dans cette phase, ni même son expertise métier. C’est souvent là qu’à mon sens le consultant peut s’égarer.
C’est bien beau de vouloir jouer les héros, mais comment pouvons-nous « sauver » si nous ne comprenons pas ce que nous devons sauver.
Cela vous semblerait absurde de lancer un produit sans être passé par la phase de discovery ? Et bien là c’est pareil sauf que le produit : c’est votre service, et l’utilisateur : votre client.
Donc patience, rangeons pour le moment notre cape, notre égo avec, et tendons l’oreille.
Vous êtes perplexe, vous allez me dire “Comment montrer à mon client que faire appel à moi était la bonne décision si je ne peux pas lui montrer dès mon arrivée ce que je sais faire ? Tendre l’oreille c’est facile, il n’a pas besoin de moi pour ça !”
N’en soyez pas si sûr. Ce n’est pas facile pour tout le monde, encore moins pour votre client qui baigne dans ce contexte au quotidien. Et montrer une capacité d’écoute et d’empathie n’a jamais fait douter le moindre de mes clients quant à ma capacité à lui apporter des solutions.
Être expert ne veut pas dire faire plus de bruit que les autres. Être expert c’est savoir identifier les problèmes, définir les meilleures solutions, et réussir à les mettre en place. Au risque de surprendre certains, j’ai pour habitude d’arriver en mission en partant du principe que je ne sais rien.
Le savoir est fragmenté entre les personnes qui m’entourent. Ma première mission est de rassembler ce savoir avant de chercher à le compléter de mon expertise. Je ne dis pas qu’il ne faut pas prendre d’initiatives, mais qu’il faut le faire avec écoute et empathie et non en imposant sa propre manière de fonctionner.
Plutôt que de le voir jouer les héros le client a en réalité besoin que le consultant s’imprègne dès son arrivée des sujets, des équipes, et des lois qui l’entourent. L’enjeu de tout démarrage de mission sera donc d’écouter attentivement son environnement sans tirer de conclusions hâtives.
Sans vouloir aller trop loin dans la théorie, laissez-moi vous parler d’un troisième terme : Décentration.
Se décentrer est un terme utilisé à l’origine dans la psychologie et la philosophie pour traduire le fait de déplacer un individu d’un rôle central. Et, si vous voulez être un consultant empathique et à l’écoute, vous devez vous décentrer de vous-même.
Laissons notre expert Jean-Marc Randin nous expliquer ça plus précisément, dans une revue du CAIRN sur l’écoute :
« Le premier réflexe, confronté à cette immense inconnue qu’est l’autre, consiste à se raccrocher à ce que l’on possède, soit nos connaissances et références propres. C’est compréhensible, mais c’est pourtant là le piège. On peut devenir très habile, tendre à une certaine pertinence, relever des choses consensuellement admises, mais chaque fois que nous pratiquons de la sorte, nous nous éloignons de ce dont nous pensons nous occuper : l’autre et sa réalité unique. »
Ok ça parait complexe comme ça, mais restez avec moi. Je vous promets que c’est important ! La décentration n’est pas un concept bizarre imaginé par des chercheurs et utilisé par des geeks comme moi. C’est ce qui rend l’écoute et l’empathie possible.
Nous mettre à la place de l’autre nous permet à la fois de comprendre les messages qu’il émet et de ressentir ses émotions.
On essaye de capter et de comprendre un message dès l’émission, ce qui implique un effort volontaire vers l’autre, une décentration, contrairement au verbe « entendre » qui se contente de passivement recevoir un message.
L’empathie de même, implique une décentration pour nous mettre à la place de l’autre, et concentrer notre attention sur ce que l’autre ressent sans forcément l’exprimer, afin de le comprendre.
Être empathique et à l’écoute vous aidera à comprendre votre environnement. Vous lirez ainsi entre les lignes et comprendrez quelles ficelles tirer pour conduire votre environnement dans la bonne direction.
Comprenez comment votre environnement est fabriqué et vous saurez comment le modeler.
Si ces softskills ne sont pas vraiment naturels pour vous, voilà mes tips :
Qui n’a jamais rêvé de jouer les Sherlock ? Et bien c’est le moment de sortir votre casquette du placard, nous partons en mission !
A chaque démarrage de mission, je crée un nouveau document dans lequel je note tout ce qui m’interpelle au fil des jours, aussi faibles soient les signaux. D’une, cela attise ma curiosité pour tendre toujours plus l’oreille, et de deux, avec un peu de contexte tout va finir par s’entremêler, et se lier.
Alors lâchez-vous, n’hésitez pas à être visuels, faites des schémas (et demandez-en), posez les questions bêtes ! Cette démarche vous permettra de décrypter votre environnement et les éléments cachés qui le régissent.
Vous connaissez l’empathy map ? Cet atelier que vous faites faire à vos clients pour comprendre leurs personae ? Et bien il est temps de l’expérimenter vous-même. Pour chaque personne pilier que vous rencontrez, posez-vous les questions suivantes :
Qui est-il/elle ?
Quel est son objectif ?
Qu’est-ce qu’il/elle voit / dit / fait / entend / pense / ressent ?
Une fois que tout converge et que vous commencez à revenir toujours sur les mêmes conclusions, vous pouvez considérer que, ça y est, vous avez compris votre environnement !
Je ne dis pas de ne plus remettre en question ces conclusions, voyez-les plutôt comme des hypothèses qui doivent continuer d’évoluer au fil des éléments qui se présentent à vous.