Dans la première partie, je vous racontais comment organiser des petits déjeuners à base de crêpes avait contribué à rapprocher des collègues. Et si je vous disais maintenant que ces Crêpathons, en plus d’être un catalyseur de bonne ambiance, constituaient un merveilleux outil d’évaluation psychologique, à même de reléguer ce bon vieux MBTI au rang d’artefact !?
Et bien, vous ne me croiriez pas ! Et vous auriez probablement raison parce que je ne suis en aucun cas compétent pour l’affirmer avec un minimum de rigueur scientifique. Mais, puisque vous me lisez encore, laissez-moi vous en dire un peu plus quand même.
Les mois passaient, le cercle des habitués du crêpathon s’élargissait d’édition en édition. Je prenais toujours autant de plaisir à organiser ces réunions informelles. D’une part, parce qu’en échappant à toute logique managériale, elles me donnaient ce sentiment d’être un -gentil- pirate. Et d’autre part, parce qu’elles servaient un but complètement assumé, celui de manger des crêpes en discutant.
Néanmoins, en tant qu’organisateur et donc participant récurrent, je prenais aussi un peu plus de recul et observais les participants. Chez certains collègues, je remarquais d’abord que certains traits de caractères, certaines manières d’être, de communiquer, d’intéragir lors de ces crêpathons faisaient étrangemment écho à leurs manières d’être et d’agir face à des situations strictement professionnelles.
Un événement aussi trivial et décomplexé qu’un petit déjeuner informel pouvait-il être un révélateur de la psychologie de mes collègues ? Les coïncidences se multipliaient. C’en était trop pour mon esprit cartésien. Je finis par acquérir la conviction que l’attitude et l’implication dans ces crêpathons en disaient long sur les motivations et les personnalités de mes collègues.
Prenons quelques exemples… car des personae se créèrent très vite dans ma tête. Si le concept vous est étrange, les personae sont un outil qui vise à créer des profils d’utilisateurs. Pour ce faire, il est courant d’attribuer des caractéristiques concrêtes à chacun de ces personae, pour les rendre les plus réalistes possibles.
S’inscrit à l’événement, dépose discrètement sa contribution sur la table, ne vient qu’à 11 heures quand le banquet est déserté, vient me remercier personnellement.
A encore oublié de s’inscrire et a encore oublié d’apporter quelque chose. Elle accepte à reculons une crêpe et dit qu’elle apportera quelque chose la prochaine fois (elle oubliera encore). Elle aide à ranger et à nettoyer le soir.
A l’habitude de prendre le café à 9h30 avec son équipe. A apporté un cake préparé par sa femme. Propose de prendre la pause-café au crêpathon. Au bout de cinq minutes, s’éclipse mais invite chaleureusement son équipe à rester.
A été invitée par hasard en passant devant le crêpathon. Depuis, elle en a parlé à toute son équipe de développeurs. Elle est fière de présenter son équipe et d'expliquer les projets qui les occupent.
Ne s’inscrit pas, n’apporte rien mais attrape des crêpes en courant d’une réunion à l'autre. Vient demander quand aura lieu la prochaine édition.
A préparé 2 gâteaux maison mais a une réunion. Passe au goûter avec 3 collègues et vient me les présenter.
Ces traits de caractère et manières d’être sont tout à fait communs, et je n’ai jamais véritablement été surpris d’y être confronté. Il n’est pas ici question de juger les individus, mais davantage de comprendre leurs motivations. Ce qui m’a interpellé dans cet exercice est de voir à quel point, chez un même collègue, je retrouvais de fortes similitudes entre ses interactions avec le crêpathon et sa manière d’être dans la vie professionnelle.
Qui n’a pas déjà croisé une Martina qui oublie d’apporter quelque chose au crêpathon comme elle oublie d’apporter l’étude dont elle avait promis les résultats ? Et qui n’a pas croisé un Sénéchal, ce collègue qui ne dira rien ou presque lors de la réunion, mais viendra juste après vous souffler l’idée qui vous permettra de résoudre votre problème ?
Ces personae ne se veulent pas exhaustifs. J’aurais pu en lister d’autres. Notez simplement que le secteur, la culture d’entreprise, les mentalités, l’âge et la diversité des profils sont autant de facteurs qui auront certainement une influence sur les profils observés. Je laisse à chacun le soin de mettre à l’épreuve cette méthode, qui à défaut d’avoir été soumise à la rigueur d’une étude randomisée en double aveugle, eut le mérite de me servire énormément à cerner certains collègues.
J’insiste sur le fait que je n’ai jamais organisé ces crêpathons avec cette intention insidieuse de profiler mes collègues. Je m’étonnais malicieusement de ces ressemblances et confirmations, plus ou moins fondées. Je sais que les êtres humains sont prompts à juger, et parfois inconsciemment détournés de la réalité par leurs biais cognitifs. Ainsi, je me suis vraisemblablement trompé sur certains. Une crêpe rachètera bien mon âme !
Il ne s’agit pas non plus de manipuler vos collègues, mais simplement d’apprendre à les connaître. Sans aucune hésitation, je préconise ce cadre très informel plutôt que de s’en remettre aux aléas d’un projet ou à des intéractions impersonnelles par mails. Voyez également dans ces événements des opportunités de vous révéler VOUS. Si vous y apprenez beaucoup sur vos voisins de travail, ceux-ci en apprendront probablement autant sur vous !
C’est là tout le mal que je vous souhaite si vous vous lancez dans cette entreprise:
Dans le pire des cas, vous aurez le mérite d’avoir essayé, et vos crêpes seront toujours là pour vous consoler,
Dans le meilleur des cas, tel un diplomate, vous mettrez un terme à ce climat de coexistence pacifique avec vos voisins d’open space. Vous apporterez de quoi sustenter votre gourmandise… et de quoi étancher votre soif d’en apprendre toujours plus sur vos collègues ! Vous pourrez enfin dire aurevoir à ces bonjours insipides. Et tout cela, grâce à des crêpes !
Et en cadeau, mon Google Sheet magique pour doser votre pâte à crêpes (disponible dans les liens utiles ->) !